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AsieA5

Les tribulations de la famille Dub-Dob en Asie!

Nasik - Le Janus Indien

A quelques kilomètres au nord de Mumbai l'Arrogante, la petite Nasik présente ses deux visages si emblématiques du fossé qui se creuse toujours plus en Inde. 
Au cœur de la ville, le Ramkund, vaste réservoir, reçoit les eaux sacrées de la rivière qui baigne les pieds des temples de la ville; les pèlerins y affluent pour s'y plonger ou y verser les cendres de leurs morts, après avoir accompli les rituels sacrés: assis sous un vaste préau, ils attendent que le barbier leur rase la tête, ne laissant qu'une touffe de cheveux sur l'arrière du crâne; accroupies au bord d'un bassin empli d'eau croupissante, les femmes, vêtues de sari splendides se lavent le visage et boivent dans leurs mains l'eau nauséabonde; tous se jettent ensuite à l'eau, les hommes à moitié nus et les femmes habillées, formant des tâches multicolores flottant lâchement à la surface. 
Les rituels se poursuivent ensuite au temple dont il faut faire l'ascension par un escalier étroit où se bousculent dans un vacarme assourdissant marchands, mendiants, éclopés. Désordre jouissif si propre à l'Inde, exprimé jusque dans l'architecture sacrée où s'amassent des sculptures innombrables et colorées aux visages et positions si inattendues. 
Nasik - Le Janus Indien
Entrainés par le flot de pèlerins, nous pénétrons dans le temple sombre, encombré de fidèles assis en prière à même le sol, chantant des litanies stridentes sous la direction brutale des brahmans, torse nu. Au fond du temple, des idoles au visage noir, richement vêtues dévisagent leurs adorateurs de leur regard terrible, tandis que les vaches sacrées déambulent nonchalamment, insensibles à l'agitation.
Chacun tend sa main pour le recueillir le prasad, nourriture sacrée mélange d'eau et de lait, qui suinte d'un caniveau creusé à même l'autel. 
L'odeur de l'encens se mélange à celles de la sueur, du beurre rance, du fumier et de l'eau pourrie, au bruit de la foule pressée et aux couleurs chatoyantes ornées d'or, pour nous plonger, ivres de sensations, dans cette Inde si religieuse et traditionnelle, dont nous rêvions et que nous sommes venus voir avec avidité et répugnance.
Nasik - Le Janus Indien
Changement de décor, à moins de dix kilomètres de là, en pleine campagne: après avoir suivi les panneaux publicitaires nous l'annonçant, puis les logos disposés tous les dix mètres le long du domaine, nous atteignons l'entrée du vignoble Sula, si réputé localement. Un chemin bien aménagé longe les vignes, hérissées d'installations publicitaires design; les sons d'une musique tonitruante nous parviennent et nous découvrons un bâtiment gigantesque doté d'un bar en terrasse d'où proviennent les notes de Techno: nous pourrions être n'importe où dans le monde, rien dans l'architecture ne rappelle l'Inde. 
Une cohue, là aussi, se presse pour s'inscrire à la prochaine séance de dégustation, ou boit négligemment un verre d'une de leurs cuvées.
Ray-Ban sur le nez, chemises Ralph Lauren, jeans Armani et mocassins Gucci ou baskets Nike, cette foule jeune sortant directement des beaux quartiers de Mumbai n'a rien à voir avec la précédente: elle a gobé tous les mensonges de la modernité la plus obscène, sans discernement aucun; sûre d'elle-même, elle claque son fric dans n'importe quelle imposture faisant miroiter l'éclat de la tendance branchée. 
Car d'imposture il s'agit bien: précurseurs en Inde, les vignobles de Nasik ont copié les recettes marketing des vins du Nouveau Monde, des instituts desquels sont issus d'ailleurs les œnologues de ces installations; ici, plus que le vin, on travaille la marque, positionnant les flacons à des prix dépassant largement leur qualité... Nul ne s'en plaint du reste, on vient y chercher un marqueur social avant tout...
Nasik - Le Janus Indien
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